“vies de livres”

2 Février 2010

Il y a un peu plus de deux ans, je lui écrivais ces 1000 mots.
1000 mots c’était sa dose quotidienne à lui. Minimum. Pour servir cette sorcière écriture dont on ne sait si elle le bouffe ou le nourrit. 1000 mots pour permettre à la rage d’être une grâce et, en acrobate immobile, jongler entre torture et jouissance. Pour chaque jour, vivre un jour de plus. 1000 mots pour faire du désespoir un pluriel d’espoirs. 1000 mots additionnés à 1000 autres mots, et encore. Et devenir un livre.

RA

J'ai lu ses textes pour la première fois il y a quelques semaines. Dérangeants…
Comme une envie de regarder ailleurs pour ne pas se laisser attraper par l’étreinte bouleversante des mots de cet homme.
Comme une gêne de n’avoir d’autre choix que de lire et d’aller jusqu’au bout, et d’y découvrir outre un style superbe, l’exhibition d’une vérité non travestie.
La vérité de lui, à vif, sans complaisance, au jour le jour, une urgence de vérité qui ne prend pas le temps de se farder de mots inutiles et de filtres rhétoriques.
Et qui se lit telle quelle. Indécente.

  Troublante écriture qui se tend comme un pont de transparence entre le mot et son auteur, elle est son arme ou sa musique. Comme d’inlassables gammes d’un talent linéaire et indiscutable, chaque jour, il abat un rempart ou s’en bâtit un autre. Et l’écriture se fait de plus en plus précise et acérée.
Lui, cérébral autant qu’animal. On pourrait dire bestial s’il n’y avait la crainte de l’interprétation toujours erronée de ce mot. Des pulsions de vie assourdissantes, indomptables dans la réclusion qu’il s’impose, s’il n’y avait l’écriture. Bestiale et cérébrale.

  Il écrit avec des larmes, de la crasse, de la merde, du sperme, que lui importe quand tout ce qui est vital se fait encre.
Cette écriture qui le traduit, le raconte, se fait main blessée tendue, prière ou poing fermé. Ces mots qui le déchirent ou le rassemblent, et font l’osmose entre l’esprit et l’expression. Et c’est si rare. A ce point là.
Il exhibe, il s’exhibe, il m’a aussitôt fait penser à Dustan, le maudit, l’élégant pestiféré, l’écorché vif qui dans ses récits reculait si loin les limites de ce qu’il est convenu de nommer la pudeur, que je me disais que l’intimité, la véritable indicible, la définitivement secrète, ne serait jamais dévoilée.
Lui, il est comme ça. Je ne sais pas si chaque mot lui arrache un lambeau de vie ou le lui rend. Il est gourmand parfois, impatient souvent, et le lendemain assassin. Le jour d’après, anéanti. Il se désintègre en deux lignes, et revient implacable, tue à bout portant les inutilités du monde mou et affable qui l’entoure. Et de nouveau vulnérable, il pense à poser sa plume sur le calendrier de la mort.

  Et son écriture dit tout ça.
Que du banal pourrait-on dire, souffrir par écrit, oui et alors ? Dans cette fêlure, ce n’est pas la même chose. Ailleurs, on écrit pour émouvoir, à dessein, comme une sorte de mise en scène supposée induire chez le lecteur une posture compassionnelle ou au moins compatissante. On est sur internet et ça fonctionne. La séduction opère par l’émotion provoquée, c’est un stratagème qui a fait ses preuves même s’il est animé par une sorte de sincérité, et ceux qui plaignent, ceux qui s’identifient, simplement parce qu’un mot facilement chié est universel, accourent au chevet du triste pleureur. Pour communier dans la médiocrité de la larme facile.
Rien de tout ça chez lui. Ses mots le mettent trop en danger pour qu’on ose à fond les grands parallèles. Je le suis pourtant, chaque jour, avec un mélange de jubilation pour la beauté de l’écriture, et de malaise pour l’écho qu’elle provoque.
Il écrit comme un accouchement qui dure trop, qui n’en finit pas de lui faire mal, qui crie le désir de vivre. Ou de crever à force d’épuisement.

  Je sais juste qu’il faut qu’il écrive, qu’il ne cesse pas, qu’écrire est son ciel. C’est si mystérieux le désert de l’écrivain. Car bien sûr que ç’en est un. Lui en doute. Au rythme de sa lutte contre le vertige de ses tourments, il écrit, il exprime l’insupportable vérité du temps qui passe, du temps passé sur la désolation de l’ingratitude de certains destins. Et il doute encore. Il ravage le récit conventionnel de l’intimité, et il doute encore. Est-ce l’exercice du journal intime, de la fidélité en lecture qui me fait l’accompagner de loin, qui me parle si fort ? J’en sais rien.
Est-ce que ce singulier personnage qui ne recule devant aucun mot pour accorder son écriture au diapason de son esprit sans repos, de son corps qui refuse de céder à ses envies, est un vrai romantique ? Sans aucun doute.

  Malgré ce sentiment de résonance, je ne veux pas parler d’empathie. La nature de son écriture me l’interdit. Parler d’empathie serait une sorte d’appropriation de son talent, d’abus d’une proximité fictive.
Mais je sens qu’il livre une guerre indispensable. Je sais qu’il peut la gagner parce qu’une telle écriture est un atout qui n’a pas de prix. Je sais qu’il s’épuise, je le lis, ses mots se reçoivent comme des secousses dont on aimerait le protéger, mais dont on sent qu’elles sont un passage obligé. Mais que s’il crève de cette exigence qu’il s’impose, cet exercice est rédempteur, il réunira l’homme et l’écrivain sans plus de douleur ni combat entre les deux.

  Je lui dis de confier sa vie à un personnage, à une invention qui serait un peu de lui, un peu de ce qu’il voudrait être, un peu de ce qu’il n’a jamais pu être. Un personnage assez puissant pour se charger d’un fardeau et en transformer l’inertie en force. Un autre Lui qui changerait le cours de l’histoire dans une histoire parallèle, dans la bienveillante dimension d’une fiction. Je suis persuadée que la magie s’opérerait. Faire vivre et jouir un personnage de roman, même s’il n’est pas vraiment romancé. Et qu’il en bave s’il le faut, qu’il soit tué ou damné si c’est nécessaire.

  Je suis sûre de voir un jour son nom sur la couverture d’un livre. Il n’en est pas loin, il tourne autour de sa part d’éternité, son blog sent déjà le papier.

  Si vous passez le lire : attention fragile… Cette écriture est noyée dans le magma d’internet parce qu’il y a des choses qu’il faut parfois éloigner de soi.
Mais elle est la respiration de son auteur. Un organe vital.

  Regardez dans la fêlure.

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Bénédicte Desforges

#vies de livres

18 Décembre 2009

C’est bientôt Noël et bien sûr, vous êtes raides comme des flics sous-payés.
Pas grave, j’ai des bonnes idées de cadeaux pour radins et fauchés, et pour tous ceux qui se disent en se tapant violemment le front Ah ! Damnation ! Noël c’est dans une semaine et j’ai pas commencé à acheter des cadals.

ippp-blog

Mes bien chers collègues,
Connaissez-vous la boutique en ligne de videos de police.com ?
Votre tenue de réveillon vous y attend.
Des t-shirts terribles qui racontent votre vie...
  Aujourd’hui j’ai contrôlé trois individus suspects, c’était un dispositif de la BAC.
  Aujourd’hui j’ai demandé à un jeune pourquoi il était en vérif, c’était le nouveau patron.
  Sous-baloche lifestyle, pas d’intervention, pas d’embrouille.
  Je suis IPPP  
[Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police]
  Attention, IPM...   [Ivresse Publique et Manifeste]
Etc.
Pas cher, joli et de bon goût, le t-shirt de vidéos de police.com ne gratte pas.
Si vous n’investissez pas dans le t-shirt que tous les flics s’arrachent, il y a des chances que vous passiez une année 2010 à chier.

FLiC_le-livre2.jpg

Ensuite, pour ceux qui n’ont vraiment plus un rond et qui se demandent si la solution pour faire plaisir n’est pas le vol ou l’agression d’un père Noël, il y a toujours cet excellent petit livre, une œuvre majeure de la police nationale, un best-seller écrit par une fille extrêmement sympathique et modeste.
Dedans, il y a des histoires de flics très amusantes ou très dégueulasses, c’est selon. Ce n’est pas ego-trip, la carrière de l’auteur (qui sent très bon) n’a aucun intérêt, elle n’a pas arrêté ni tué de gros bandit, elle a toujours travaillé en uniforme (très joli) et a vécu la même vie de flic que des milliers d’autres. C’est ce qui a fait son succès international.
Ça ne coute que 5,60 euros, et aucune faute d’orthographe n’est à déplorer.
Les flics peuvent offrir ces chroniques de la police ordinaire à leur entourage, ça leur évitera de raconter leurs interventions et de répondre à des questions idiotes.
Ceux qui n’ont pas lu Flic, chroniques de la police ordinaire sont des ignares qui ne comprendront jamais rien à la vie, et il y a fort à parier qu’ils se feront plaquer en 2010.

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29 Juillet 2009

Plus de temps à perdre.
Il faut qu'avant la fin de l'été, il soit ficelé, terminé, fini.
Achevé.

Je m'en vais donc patrouiller dans le texte, tracasser les virgules fugueuses et les points de suspension clandestins, fermer les yeux sur des pléonasmes calculés et laisser mes allitérations en planque, disperser les répétitions, flinguer de la dissonance, surveiller de près la concordance des temps, et finir le travail.

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Bénédicte Desforges

#vies de livres, #au jour le jour