“vies de livres”

20 Octobre 2012

Polar logo

Prix Polar BD 2012


La force de l’album réside dans la puissance du graphisme qui transcende un quotidien fragmenté, livré par bribes. Véritable plongée à l’intérieur des états d’âme d’une femme, témoin d’une réalité pas toujours des plus reluisantes, Flic est un kaléidoscope de souvenirs entrechoqués prenant forme sous le trait de Séra qui sert un texte autant qu’il le porte et où l’important n’est pas dans la précision, mais dans l’impression.
BD-gest

Flic est un voyage au bout de la nuit, admirablement illustré par Séra, qui donne à tous ces personnages l'aspect de morts-vivants se débattant dans un cauchemar.
Actua Litté

Un reportage BD prenant forme de courtes scènes successives, et s'ancrant dans la réalité quotidienne des brigades intervenant à Paris. Un témoignage fort, froid et implacable, qui démontre aussi l'humanité des auteurs.
Planetebd.com

Flic fait figure d’ovni dans la production actuelle de la bande dessinée. Le dessinateur d’origine cambodgienne Séra adapte dans un style réaliste le best-seller de Bénédicte Desforges sur sa condition de flic en uniforme à Paris. Rien à voir avec ceux qu’on voit dans les séries policières. D’ailleurs, ceux-là sont tous en civil alors que ceux dont parle Bénédicte Desforges sont en uniforme, au plus près de la réalité, au plus près de la crasse sociale. D’ailleurs, la même phrase ouvre et conclut le livre : "Les gens aiment les séries policières, mais les gens détestent les flics".
Flic est une des très bonnes surprises de cette rentrée, gageons que de nombreux amateurs de bandes dessinées s'y retrouveront.
1001 BD

"Flic" raconte le quotidien des policiers à Paris. Le dessinateur Sera l'a mis en images, il a pour cela suivi des policiers, "pour mieux les comprendre" et ainsi rentre justice à un métier trop souvent méprisé…
France Info

[FLIC] fait un véritable carton en 2007. Cet album en est donc l'adaptation, dont les graphismes ont été confiés à l'excellent Séra.
Un dessinateur aux productions à notre goût trop confidentielles, tant son talent est à souligner. Son travail amène un tel supplément émotionnel qu'il relève plus de l'interprétation que de la pure adaptation. Armé d'une documentation qu'on imagine importante et pointue, Séra décline en images le phrasé froid mais profondément humain et réaliste de cette femme flic (..) On l'accompagne ainsi sur le bitume, de jour comme de nuit. On ne rigole pas vraiment, entre deux interventions, des cadavres, des camés et les prostituées ou travelos. On appelle ça les drames de la vie quotidienne et elle n'en a pas été épargnée non plus... De ce témoignage naît également une réflexion qui se transpose au lecteur. L'objectif n'est nullement de rendre des lettres de noblesse au métier de l'Intérieur (quoique Bénédicte Desforges et Séra y arrivent fort bien), mais de réfléchir à la place de chacun et finalement aux laissés-pour-compte qui finissent par sombrer dans la marginalité, voire dans la criminalité. On entend souvent de la part de flics un discours où ils expriment « faire du travail social ». L'expression est galvaudée, mais ce bouquin essentiel permet de se rappeler qu'ils sont un régulateur nécessaire des rouages de nos sociétés.
Planète BD

Bénédicte sait pertinemment que le flic est détesté. Cela ne l’empêche pas d’aimer son métier, sur lequel elle a également écrit dans deux livres, dont le titre évocateur « Police mon amour ». Phoussera Ing, alias Séra, amène à ce carnet de bord les ambiances dans lesquelles il est passé maître, jeux d’ombres et de lumière très sensibles.
Sud-Ouest blogs

Graphiquement, le travail de Sera sert parfaitement le sujet. Ses cases combinant différentes techniques illustrent plus qu'elles ne racontent, s'appuyant parfois sur des coupures de journaux ou des couvertures et gros titres de magazines. Le dessinateur parvient à la fois à traduire le déroulement des événements mais également tout l'impact "intérieur" qu'ils peuvent avoir sur les personnages. On pouvait difficilement imaginer une forme de BD "classique" pour une telle adaptation sans justement basculer dans des clichés trop ressassés. Ici, on ne peut que souligner l'alchimie réussie entre le texte (très majoritairement livré sous forme de narratifs) et les images. Un résultat hors du commun pour un livre-témoignage hors du commun.
Graphivore (Belgique)

C’est le genre de bande dessinée qu’on doit lire une fois, puis relire. Pour prendre le temps d’observer un peu. Pour saisir le rythme de ses dialogues intérieurs que nous propose Desforges. Pour apprécier le trait de Séra, dont le dessin est un complément fort adéquat à l’esprit et l’ambiance des récits qu’il illustre.
Voir.ca (Canada)

Flic déborde largement du cadre récréatif habituel de la BD pour témoigner du vécu au quotidien des simples flics de terrain. Ceux qui doivent affronter une réalité souvent sordide, sale et qui laisse des cauchemars comme séquelles.(…) Une fois refermé, l’album demande un certain délai de réflexion. Pour assimiler les horreurs racontées  dans cette pièce de théâtre urbain qui n’a vraiment rien de réjouissant. Comme ce souvenir de l’auteur relatif à cette femme médecin, mortellement poignardée par un voyou et qui décède dans la douleur dans les bras de l’auteur. Une scène admirablement dessinée par Séra. Artiste d’origine cambodgienne, il réussit à communiquer aux lecteurs la noirceur de la rue et les états d’âme des flics. Ses planches, bien rythmées, font partie de ce polar noir des années 2000.  Ultra réaliste et à  mille lieues de ces séries télévisées formatées.
L’Écho (Belgique)
 

10-11

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Bénédicte Desforges

#revue de presse, #vies de livres

3 Septembre 2012


Et voilà.
FLIC la bande dessinée du très talentueux Séra, arrive demain en librairie.
Merci mille fois à lui, et merci à Guillaume Prieur chez Casterman. Cette bédé, tous ces moments que j'y ai revus, ces bouts de vie de flic et de vie de rue, mes adorables fantômes revenus à la grâce de la plume et de la couleur, des souvenirs enfin apprivoisés, si magnifiquement dessinés, c'est un cadeau incroyable.


FLIC-BD-22aout

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Bénédicte Desforges

#vies de livres

12 Février 2012

   L’autre jour, histoire d’éclairer ma lanterne citoyenne, j’ai eu envie de comprendre les élections différemment, apprendre ce que je ne sais pas des modalités sociologiques de ce fameux droit démocratique en France, et faire l’acquisition d’un livre tout récemment paru aux Presses de Sciences Po,  Le vote des Français de Mitterrand à Sarkozy, coécrit par cinq chercheurs, professeurs, tous experts en science politique, tous spécialistes en comportements électoraux et politiques, et en décryptage de l’opinion publique.
   À moins de trois mois des élections présidentielles, c’était le soir moment ou jamais.

   Je trouve ce livre sur internet, d’occasion comme neuf et à moitié prix, via le site d’une petite librairie parisienne sur Amazon.
Deux jours plus tard, je le reçois, effectivement comme neuf, jamais ouvert, sauf… la page de garde sur laquelle je découvre la dédicace d’un des auteurs à Frédéric Taddeï.

   Il faut savoir que quelques jours avant la parution d’un livre et dans le cadre de sa promotion, les services de presse des éditeurs, ou les auteurs eux-mêmes, envoient quelques exemplaires, de façon la plus pertinente possible, à des journalistes susceptibles d’être intéressés et d’en parler. Et avec un peu de chance, pour décrocher une invitation télé ou radio, ou une interview, pour exposer soi-même son travail.

   Je me fends d’un petit coup de fil au libraire pour lui demander s’il vend ainsi beaucoup de livres d’occasion comme neufs qui ont d’abord été adressés à des journalistes. Il me répond que oui, et j’essaye d’en savoir plus, lui précisant qu’étant moi-même auteur, il m’est plusieurs fois arrivé de trouver mes livres en vente avec leur page de garde arrachée. Ce à quoi il me répond - preuve que la manip est bien rodée - que Frédéric Taddeï contrairement à d’autres, ne donne pas de consigne particulière concernant les pages de garde qui lui sont dédicacées. Très exactement, il me dit « Il s’en fout. »
   Je tente encore de comprendre ce petit bizness du livre offert-revendu-dédicacé-jamais-ouvert, et il reconnaît que c’est un peu compliqué, que c’est une sorte de réseau, s’interrompt d’un coup pour me demander en quoi tout ça m’intéresse.
« Parce que, voyez-vous, je trouve pas ça "un peu compliqué" mais plutôt un peu honteux. Et je vais vraisemblablement écrire un petit truc là-dessus.
- Ah oui mais bon, je vous interdis de répéter ce que je vous ai dit !
- Et comment comptez-vous faire pour me l’interdire ? »

   Amusant, non ?
   Un journaliste qui bosse à la télévision (deux émissions sur France 3), à la radio (Europe1, puis France Culture) dans la presse écrite (Figaro Magazine), sur internet, et dont on doute fort que les fins de mois soient bien "compliquées", revend les livres qui lui sont offerts à titre professionnel.
   On se doute bien que ces gens-là ne lisent pas tout ce qui leur est envoyé, mais au moins qu’ils se débarrassent de leur stock de façon élégante, utile, qu’ils les offrent à leur tour, qu’ils les mettent à disposition de leurs confrères, collègues de travail, ou de bibliothèques.
   La déontologie et l’éthique de la presse sont déjà suffisamment mises à mal, sans en rajouter de façon aussi consternante.
   Mais non, il y a manifestement des revendeurs dans le circuit qui font l’affaire des journalistes crevards et sans le sou (je blague) et des radins (moi par exemple) qui calibrent au mieux en quantité et qualité leur budget livres. Les livres neufs avec une page en moins - sauf pour Frédéric Taddeï -  se trouvent donc à moitié prix grâce à eux : dans cette librairie [lien] on trouve même bradées des publications… du jour.

   Mais au-delà de ce minable petit trafic à la julot casse-croute, on observe aussi ce qui est considéré - ou non - comme une information digne d’être rendue publique, donc accessible au plus grand nombre.
   Ce qui figure dans ce livre, Le vote des Français de Mitterrand à Sarkozy, est véritablement d’utilité publique, et pleinement d’actualité. Il recèle tous les outils pour comprendre, interpréter, anticiper.

   Mais l’information grand public ne se danse pas comme ça.
Personne n’a parlé de ce livre.
Les experts ne sont pas de bons clients (comme disent les journalistes). Leurs livres - à cause de Frédéric Taddeï et de ses clones journalistes - restent dans l’ombre et leur lecture restreinte.
   Il y a des gens qui étudient des années entières, et le jour où leur travail sort des laboratoires et des universités pour qu’une connaissance, une méthodologie, une manière de penser intelligente et intelligible, deviennent accessible et à la portée de tous, les médias leur claquent la porte au nez et revendent leurs bouquins sans les avoir ouverts.

   L’information est un spectacle. Écrite, parlée, creuse et gonflée à l’hélium, mise en scène. La sobriété et l’expertise sont inaudibles. De la météo à la politique, il faut de la sensation forte et des mots qui percutent. Ad nauseam.
Pire, en période d’élection, l’information n’est plus que propagande. Serviles, les mots trichent et les propos mentent.
   Plus qu’à tout autre moment d’un mandat électif, il faut subir jusqu’à saturation des commentaires et "chroniques" politiques, qui relèvent bien davantage de l’opinion des uns et des autres que d’information au sens strict.
   Il faut assister aux bavardages, soi-disant débats d’idées, toujours les mêmes, petits rendez-vous de l’oligarchie médiatique des éditocrates, toujours les mêmes, tous ces gens qui ont pris possession de l’opinion publique, qui vocifèrent et s’engueulent à l’écran et dînent ensemble après le générique de fin.
   Et quand ce n’est pas cette clique qui vient servir la soupe de la politique spectacle, il faut prêter l’oreille à l’avis du n’importe qui du jour, baladé par un attaché de presse, qui a un disque, un record du monde, ou une biographie à vendre. Et qui n’a pas mieux à dire qu’un micro trottoir, mais participe avec satisfaction au brouhaha des opinions.
   Il faut rire du décryptage cynique supposément drôle de la politique, proféré par les faux impertinents des médias. Persiflage courtisan, et bouffons du roi, dramatiquement politiquement corrects à y regarder d’un peu plus près. Cette vision ricanante de la vie politique, qui finalement lisse chaque chose, la vide de son sens, l’apprivoise, et place l’ensemble à même niveau d’indigence intellectuelle et civique.

   Voilà ce qu’on fait passer pour de l’information.
Voilà qui sont ceux qui décident de l’importance relative des faits de société, des choses à dire, à taire, et des gens à qui donner la parole. Ou pas.
À croire que la lutte des classes se joue désormais contre une caste.
Et que cette lutte est celle de l’information et de la connaissance.
Contre la malhonnêteté intellectuelle.

CEVIPOF

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Bénédicte Desforges

#vies de livres, #ailleurs...