“syndicats”

22 Octobre 2016

Alors voilà où nous en sommes. Mercredi prochain, un des deux syndicats majoritaires organise une marche de la colère tout en clamant qu’il n’y a aucune récupération. Bien entendu il n’y aura pas de signe ostentatoire de syndicalisme, et bien entendu, aucun responsable de SGP-Unité Police ne prendra la parole dans un des nombreux micros qui leur sera tendu ce jour-là. Normal, ils resteront muets, car comme ils disent, il n’y a aucune récupération. Vous pouvez tenter d’y croire…

Deux jours plus tard, l’autre syndicat majoritaire, propose pour que vous puissiez exprimer votre colère des rassemblements silencieux (c’est bon, on vous a assez entendus) devant les tribunaux tous les mardis à heure fixe. Une petite demi-heure à l’heure du déjeuner, comme ça vous ne dérangerez personne, c’est mieux.

Accessoirement, Alliance s’associant à d’autres syndicats, qui eux non plus ne récupèrent rien du tout de vos actions et revendications de ces jours-ci, inventent opportunément une intersyndicale. S’associant aux commissaires et officiers, ne doutons pas un instant qu’ils convaincront, par exemple, ceux-ci de renoncer à leurs primes de responsabilité et de performance et primes de commandement, moteur de la politique du chiffre et petit gouffre financier, et que ces sommes seront réaffectées utilement. Là aussi, vous pouvez essayer d’y croire… comme de croire à la cohérence et à la sincérité d’un tel mariage de raison, dont le seul but est de reprendre la main sur la contestation par souci de crédibilité pour les uns, d’autorité pour les autres, et à la demande de l’administration qui n’aime pas qu’on sorte des clous.

La dernière raison d’être des syndicats policiers, et de vos coûteuses adhésions, malgré la défiance permanente dont ils font l’objet depuis trop longtemps, est la gestion de l’avancement et des mutations que l’administration leur a pratiquement confiée. Et c’est bien pour ça que vous vous syndiquez. S’il n’y avait cet argument, il n’y aurait nul besoin de procéder à des élections professionnelles, un vote à main levée parmi des irréductibles embrigadés suffirait, tant l’action syndicale se résume désormais à se balancer des scuds sous forme de tracts très colorés auxquels il ne manque plus que des gifs animés, et à recycler des promesses jamais tenues. Vos représentants s’y connaissent en avancement et mutations, ils passent RULP à la vitesse de la lumière, sans aucun scrupule par rapport au sens de ce grade, et quand ils veulent voir du pays, ils obtiennent une mutation avant même d’en avoir fini de signer la demande. Il arrive même que la médaille du mérite national leur tombe sur le col, ou encore qu’ils soient aspirés dans le corps préfectoral. Etc.

Malheureusement, ce sont bien vos syndicats qui portent vos revendications auprès du pouvoir. Il y aura sûrement des promesses et quelques mesurettes immédiates pour montrer un semblant de bonne volonté, Flicards, on vous a compris ! maintenant rentrez dans le rang. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions, la dead-line des présidentielles, et un pouvoir déjà en campagne ne l'obligera pas à grand-chose, sinon à des promesses qu’il n’aura pas à tenir.

Il y aurait pourtant une revendication à ajouter, la revendication impossible et pour cause : celle des modalités de la représentation syndicale. Par exemple, limiter des mandats dans le temps leur permettrait de gagner en légitimité et crédibilité, renoncer le temps de leur mandat à participer aux mouvements d’avancement et de mutation serait une belle preuve de vocation syndicale au sens noble, lesquels avancements et mutations devraient s’opérer sous le contrôle intègre et vigilant de la seule administration dans l’application stricte des textes.
Ainsi débarrassés des préoccupations de leurs passe-droits et privilèges, et de la motivation et l’énergie qu’ils mobilisent au détriment d’une saine représentativité et d'une combativité nécessaire, les syndicats, aujourd’hui débordés par un malaise au point de non-retour, auraient pu remplir leur rôle et on n’en serait pas arrivés là.

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Bénédicte Desforges

#actu police, #syndicats

5 Décembre 2014

élections professionnelles police 2014


Il y a habituellement une sorte d’alternance syndicale. L’ensemble des syndicats de sensibilité de gauche est majoritaire sous un gouvernement de droite, et vice versa. Ce n’est pas une révélation d’affirmer que les membres des bureaux nationaux des syndicats sont très proches d’élus et décideurs politiques de leurs bords respectifs, et souvent encartés et engagés dans des partis. Bien qu’ils clament leur indépendance politique à qui veut bien les entendre…
Il est donc logique que les syndicats ne soient pas trop offensifs quand leurs amis sont aux affaires, et surtout, tout aussi logique que les syndicats adverses se positionnent comme un contre-pouvoir, promettant énormément de choses puisqu’ils n’auront pas l’occasion de tenir leur engagements, et qu’en outre, ceux-ci sont souvent irréalisables. Mais malgré ça, leur discours séduit, donne de l’espoir, et ils engrangent des suffrages.
Il suffira pourtant d’attendre l’élection professionnelle suivante pour s’en rendre compte, et observer que la soumission au pouvoir politique est bien partagée.

Pour les élections professionnelles 2014 des représentants des gradés et gardiens de la Paix, on peut observer une autre tendance :
- D'abord, un taux de participation, stable en 2006 et 2010 à plus de 82%, qui tombe à 68%,
- Les deux syndicats majoritaires voient tous les deux leurs scores baisser par rapport à 2010,
- L’alternance habituelle ne suit plus la même règle puisqu’à eux deux, Unité-SGP-FO et UNSA font un score supérieur à celui d’Alliance (ce qui n’engage pas à grand-chose puisque ces syndicats - marqués à gauche, quoiqu’ils en disent - se tirent volontiers dans les pattes).
- On aurait pu attendre qu’Alliance soit mathématiquement le contre-pouvoir syndical, c’est loin d’être le cas avec pas même 2% d’avance.
- Des syndicats minoritaires voient leurs scores augmenter (sauf la FPIP qui, malgré ses gesticulations guerrières plafonne depuis des années, et compte ses adhérents sur les doigts d’une main)

Si la police veut continuer à se situer parmi les professions les plus syndicalisées, et ainsi garder la main autant que faire se peut sur son évolution, il est nécessaire de faire des constats rationnels, avec honnêteté intellectuelle, et que les « représentants du personnel » (guillemets volontaires) se remettent en question.

Il n’est pas question ici de mettre en cause le travail effectué par les délégués syndicaux de terrain, leur dévouement et leur abnégation. Ils sont plus que quiconque capables, pour une cause collective, d’accorder leurs violons avec leurs collègues des syndicats opposés, et ils sont les premiers à souffrir des postures et comportements de leurs bureaux nationaux, et par procuration, en récolter toutes les critiques.

Le leitmotiv de plus en plus assourdissant, d’année en année, dit des syndicats majoritaires « tous les mêmes », « bonnet blanc et blanc bonnet », « s’il n’y avait des demandes de mutation et les dossiers d’avancement, on ne voterait pour personne » etc.
Le découragement et l'aigreur  prennent racine, bien davantage à l'intérieur que dans la rue.
Aujourd’hui, les syndicats majoritaires perdent du terrain, et on vérifie mieux que jamais ces affirmations, ces résignations à cautionner un système qu’on exècre.
À ce jeu, tout le monde y perdra. L’abstention compréhensible ira grandissant, et la police tombera dans les seules mains de l’administration. Les syndicats demeureront vraisemblablement des petites tours d’ivoire, mais ne serviront plus à rien, sinon qu’à eux-mêmes.

Comme à l’accoutumée à l’approche des élections, il y a eu un regain d’agitation syndicale, une manifestation, et des déclarations d’intention.
Ces derniers jours, en une semaine, les fonctionnaires de police ont reçu pas moins de 40 mails de la part des syndicats. Jurant avec un quasi silence radio entre les élections professionnelles, nonobstant la mise à disposition sur leurs sites de rafales de tracts sous forme de pdf, lapidaires, hystériques, tous plus colorés les uns que les autres, de mauvais goût équivalent, illustrés de figures ridicules, et semblant avoir renoncé à regret aux gifs animés. Les fonctionnaires de police méritent mieux que ça. Ils sont capables de comprendre autre chose que des slogans. Les syndicats sont censés représenter le personnel et leur doit de se mettre à leur hauteur, ne pas les prendre pour des attardés crédules, disposés à jouer inlassablement leur jeu de bastons récurrentes.
Les flics attendent mieux en terme de politique syndicale, que d’être gavés jusqu’à l’asphyxie de critiques visant bien plus le syndicat d’en face, que l’administration, qui doit se frotter les mains de voir tout ce monde-là s’occuper à des micro-conflits stériles et démoralisants, pendant que la police cesse doucement d’être une vocation.

La raison et la décence ne semblent plus être des qualités inhérentes au syndicalisme. Des petits détails suffisent à le rendre détestable et sa représentativité irrecevable.
Les membres des bureaux nationaux devraient mettre un point d’honneur à ne pas réclamer, ou ne pas accepter, des avancements supersoniques. Un flic « de base » (bien plus « flic » que ses représentants, ça va sans dire…) ne pourra jamais le comprendre autrement qu’une forme de corruption tacite. Lui, ne bénéficie d’aucune accélération et attend son tour.
Les mêmes syndicalistes devraient considérer comme une hérésie de se voir accorder le grade de RULP - Responsable d'une Unité Locale de Police, faut-il le rappeler - c'est-à-dire un grade réservé aux majors exerçant un commandement (et les responsabilités qui vont avec, et qui ne sont pas des moindres) Un non-sens pour un permanent syndical…

Dans le même registre, il est scandaleux de voir les têtes de syndicats se faire décorer du Mérite National ou de la Légion d’Honneur (quel mérite ? quel honneur ?) dont on peut légitimement se demander ce qu’elles récompensent, quand des fonctionnaires de police attendent, ou ne la voient jamais venir, la médaille du courage et du dévouement. Et doivent payer de leurs deniers ladite médaille. Par respect pour cette police laborieuse et déconsidérée, par respect pour ces décorations, ils devraient se faire un devoir de les refuser.

Les syndicats perçoivent chaque année une dotation de l’État, dont le total dépasse 1,5 millions d'euros. C’est de l’argent public. Le service public et les policiers adhérents-cotisants apprécieraient un retour sur investissement limpide et manifeste.

Les fonctionnaires de police n’auront jamais d’autres moyens de sanctionner les syndicats, à défaut de pouvoir les contraindre à faire du syndicalisme efficace et à la mesure de leurs attentes, que celui de bouder les élections professionnelles.
Ils ont l’utopie d’un syndicat unique, parce que l’utilité et la nécessité du débat contradictoire de syndicats opposés n’existe plus.

Il est temps que l’oligarchie syndicale se reprenne, ouvre les yeux, et fasse le constat que le désamour des fonctionnaires de police tient à peu de chose : le sens des réalités, l'autonomie, et le désintéressement, seuls préalables à l'action et à l’efficacité.

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B. Desforges

#syndicats, #actu police

22 Janvier 2014

J'ai repensé à ce texte après avoir discuté avec un collègue de ses déboires, et puis sa descente aux enfers, l'injustice, Kafka au boulot, sans qu'aucun syndicat n'ait levé le petit doigt pour lui, eux qui sont si prompts, les trémolos dans le tract, à disserter sur le malaise et le suicide dans la police.
Je me suis souvenue d'un certain nombre de planqués, de nuisibles, de balances, d'incapables, qui font la pluie et le beau temps, et détruisent des carrières par caprice ou par négligence.
Il y en a des bons me direz-vous. Très bien, mais ils ne font pas le poids. Ceux-là ne décident rien.
Je ne changerais pas grand chose à ce qui suit. Sauf peut-être qu'à présent, ils commentent les faits divers à la télé.

alouette


  Il paraît qu’il y en a des sérieux, mais je ne les ai jamais rencontrés.
  Dans la police, la coutume veut que l’on dise d’eux que la seule chose qu’ils aient arrêtée au cours de leur carrière policière, est leur montre. Voire le bus pour les plus courageux.
  L’idéal d’un syndicaliste est de devenir permanent de sa structure le plus vite possible, et d’aller le moins possible sur la voie publique exercer le métier de policier. Ce qui lui permettra d’en parler d’une façon très détachée.
  D’ailleurs, un syndicaliste a souvent été un flic quelconque, et un mandat syndical est toujours le bienvenu pour masquer des carences professionnelles.
  Un syndicaliste perd très vite la fraîcheur, la couleur et le naturel du flic de base qu’il n’a pas été longtemps. Il prendra vite goût à se déguiser en commissaire de police avec des costards mal taillés, et des chaussettes blanches dans des mocassins noirs. Leurs vestes sont toujours trop petites, à moins que ce ne soit l’effet produit par un embonpoint précoce dû à une sédentarité mal maîtrisée. Mais cela n’a guère d’importance, car une veste de syndicaliste de la police doit pouvoir être retournée dans tous les sens jusqu’à en perdre les coutures.
  C’est un carriériste né, et la rapidité de son avancement tient du miracle.
  Un jour, j’étais allée rendre visite à un syndicat d’officiers dans le but de pleurnicher sur une épaule compréhensive. Ma hiérarchie me faisait des misères et je voulais en faire état à mes pairs, qui à coup sûr – j’étais presque parvenue à m’en persuader – s’insurgeraient et défendraient mon bon droit dans un fougueux élan corporatiste. Peine perdue. Je suis arrivée en plein débat d’une importance majeure. Les officiers s’indignaient de la matière de la doublure de leurs casquettes. Il se trouve qu’elles étaient synthétiques à l’identique de celles des gardiens de la paix. Le psychodrame des couvre-chefs de la catégorie B, qui n’accepte pas et se sent humiliée d’être coiffée comme la catégorie C. Ils revendiquaient donc auprès des autorités compétentes, le droit à une dotation de casquettes à doublure en cuir comme celles des commissaires. Enchaînant dans le sujet des signes extérieurs hiérarchiques, sur lesquels repose leur autorité pour la plupart, ils ont évoqué avec beaucoup d’émotion et le plus grand sérieux le droit à porter un sabre ou une épée aux cérémonies du 14 Juillet.
  Ce jour-là, j’ai compris que mon tragique contentieux – qui allait ruiner ma splendide carrière dans un imbroglio de recours – était dérisoire au regard de l’urgence et du bienfondé des affaires en cours, et qu’il était inutile que je tente de les attendrir sur mon destin de flic contrarié. Je les ai salués bien bas et j’ai quitté leur local en ne me privant pas de leur piquer un joli cendrier à titre de dédommagement de mon inutile visite.


Toute ressemblance avec des personnages ayant réellement existé n’est absolument pas fortuite. Si ça a l'air d'une coïncidence, c’est que vous les connaissez aussi.


extrait de Flic, chroniques de la police ordinaire

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Bénédicte Desforges

#actu police, #syndicats