Message laissé par un commandant de police avant une tentative de suicide avec son arme de service.
Il est actuellement encore à l'hopital, hors de danger d'après ce que je sais.
Je choisis néanmoins de publier ici son message, que beaucoup ont déjà pu lire, car il est symptomatique, entre autres hypocrisies, de celle qui consiste à vouloir à tout prix distinguer les raisons professionnelles et personnelles d'un tel geste.
Et j'en profite pour lui souhaiter de se rétablir vite et de retrouver paix et sérénité dans sa vie (personnelle et professionnelle...)
Je suis le Commandant de Police Fonctionnel X.
Quand vous lirez ce mail je serai déjà mort... ou en route vers ma destination finale... je pense que sa symbolique vous parlera !
Il sera donc trop tard, inutile de vous culpabiliser. Inutile de foncer chez moi, et de retourner le quartier, je n'y serai pas.
Si vous voulez honorer ma mémoire assurez-vous que le contenu de ce mail soit le plus possible diffusé.
Je ne veux pas qu'on puisse dire que ma mort a des causes personnelles, elles sont uniquement professionnelles.
Jusqu'en 2010 tout allait bien. Un dossier parfait. Des policiers placés sous mes ordres que j’appréciais et qui m'appréciaient et une mission qui me plaisait.
En 2010, tout a basculé.
Une vieille histoire que je croyais réglée. Une manifestation où des magistrats ou des avocats avaient dérapé. Malgré trois ans d'instructions en ma faveur (y compris un témoignages de journalistes de TF1), malgré le soutien de mon DDSP, du Préfet, du Procureur, et de l'IGPN, un magistrat qui venait de récupérer le dossier m'a mis en examen, me faisant comprendre que j'allais payer pour avoir osé me mettre en travers de magistrats et d'avocats qui manifestaient illégalement.
C'est là que la nature humaine est surprenante.
Je suis passé trois fois près de la mort en service (1998, 2001, et 2005) et j'ai tenu le choc. La dernière fois à (---) en 2005 en éteignant un feu dans un camion de transport de matières dangereuses dans une nuit d'émeutes.
Des milliers d'habitants étaient menacés et ne l'ont jamais su.
Et, là me retrouver attaqué par des gens que je suis sensé défendre... je n'ai pas supporté. Même moi je n'arrive pas encore à comprendre pourquoi.
Malgré le non lieu, j'ai suivi deux ans de psy.
Fin 2011, j'ai accepté une mutation sur un poste prestigieux. Responsable du service étude et prospective du Centre Civilo-Militaire de Formation et d'Entrainement Nucléaire Radiologique Biologique Chimique et Explosif.
J'ai mené en parallèle une scolarité du Mastère NRBC de l'Université de (---) qui m'a pris tout mon temps libre. J'ai eu mon diplôme il y a deux semaines.
J'ai voulu donner une bonne image de la police dans cette institution interministérielle... mais voilà, l'emballage ne correspondait pas au contenu.
Il s'agissait en fait d'une structure de préfiguration précaire, dans laquelle les deux responsables travaillaient surtout pour leur carrière.
Un an après toujours pas de décret de création.
Mon épouse se faisait une joie de me rejoindre à (---) Elle a initié une demande de rapprochement d'époux.
Mais voilà, en juin, quand nous avons du prendre la décision de faire descendre les enfants, nous avons préféré renoncer. Si la structure où j'étais affecté devait disparaître, je serai automatiquement réaffecté près de mon épouse à (---), après avoir vendu ma maison, racheté une autre dans le sud, et avec mes enfants seuls dedans.
Un risque inacceptable que nous n'avons pas pris.
Je me suis résolu à rester deux ans de plus célibataire géographique. Dur, mais tant pis.
Les choses ont alors empiré. La ligne Air France low cost entre (---) et (---) a été supprimée.
Mes frais (hébergement et transport) ont explosé pour atteindre 1 000 euros par mois.
En interne, le directeur de centre (---) m'a signifié que je ne bénéficierai plus de la tolérance pour arriver le lundi en fin de matinée. Certainement en représailles de mes multiples et insistantes demandes de voir mon service enfin créé.
Je vais donc avoir des frais énorme, pour avoir des week-ends raccourcis.
J'ai à nouveau craqué.
Je suis chez moi en CM pour des motifs psychologiques depuis deux jours.
Étant affecté sur une affectation qui n'existe pas, j'ai demandé l'annulation de ma mutation.
La DGPN sait que je suis psychologiquement affaibli. Elle m'a gentiment proposé de revenir à (---) en me rétrogradant de Commandant Fonctionnel à Commandant.
Cette injustice là ne passera pas.
Je me suis investi à 100 %, ça m'a couté cher (et pas qu'au figuré). La DGPN veut garder le poste de fonctionnel pour un autre.
Des manœuvres lamentables qui terminent de me dégouter du fonctionnement de l’État alors que je suis au bord du précipice.
J'ai un minimum d'honneur.
Je me suis engagé à 18 ans dans l'armée, et j'ai toujours servi le pays.
Je ne peux pas accepter une dégradation que je considère comme injustement infamante. Je ne vais pas imposer à mes proches une lente dégradation psychologique et finir comme
une larve sous psychotropes.
Je partirai debout, en rendant service à mes compagnons de route, ces policiers dévoués et courageux qui ont plus peur des juges et de leur administration que des truands contre qui ils risquent pourtant leur vie. J'en viens à me dire qu'une partie de la population ne les mérite pas.
Je tiens à ce que ma mort rende une dernière fois service à ceux que j'ai eu le privilège et le bonheur de commander.
J'aimerai finir par un palmarès, celui des petits et grands salopards.
Sur le podium :
Le gagnant est sans contestation possible le juge X qui exerce maintenant à (---) Un juge idéologue qui a bien faillit réussir à se faire un flic à lui tout seul... il y sera finalement arrivé avec retard et avec d'autres.
Ensuite (mais très loin derrière) X, qui a misé sur ma fragilité actuelle pour essayer de grappiller un poste de fonctionnel sans doute pour un commandant bien placé près du bon Dieu.
Enfin le X responsable de l'équipe (---) qui m'a fait basculer une seconde fois en faisant pression là ou cela faisait mal... certainement d'ailleurs sur les conseil de son adjoint le X Pour mes deux directeurs, c'est plus par incompétence, que par méchanceté.
Pardon à mes proches.
Veillez sur eux.
Pardon à ceux qui m'ont soutenu, vous ne méritez pas ce que je vais faire.
Merci pour votre attention.
P.S. : Ne reprochez rien au SSPO.
La psy locale (---)a pris contact et a pris de son temps, mais quand on est déjà passé par là, on sait exactement ce qu'il faut dire pour rassurer un pro. Le SSPO a démontré son utilité mais n'est pas formaté pour déceler des gens aussi déterminés que moi.
P.S. : J'aimerai aussi éviter la boucherie d'une autopsie. Un prélèvement sanguin démontrera que je n'ai pris aucun produit et que donc aucun tiers n'est responsable.
Commandant Fonctionnel X