Le nègre

2 Mars 2007

police - mai68


  Il y quelques jours, mon attachée de presse m’a fait part d’une question d’un journaliste.
Une question innocente, glissée sur le ton de la confidence…
« Votre auteur, le flic… qui a écrit FLiC… elle a un nègre ? »
(un nègre, pour les ignares, c’est quelqu’un qui a des notions d’écriture légèrement supérieures à la moyenne, et qui écrit à la place d’un autre qui a des trucs à raconter. Son nom est écrit en plus petit en dessous de celui de l’auteur, ou plus généralement pas du tout)
Alors évidemment il fallait que la question soit posée.
Évidemment parce que « évidemment » un flic est supposé être l’analphabète des temps modernes, un con incapable d’aligner correctement un sujet, un verbe et un complément, un débile qui pousse des grognements inintelligibles du fond de son car qui pue le mégot et la kronenbourg de chantier, un rustique qui poursuit la racaille en criant houba ! houba !
Un flic doit donc avoir un nègre. Une aide à l’expression, un palliatif à sa misère intellectuelle…
Un flic ne peut pas, il est génétiquement inapte. Ou plutôt, il peut peu avec ses moyens moyens, le pauvre. Sinon il ne serait pas flic, tiens. C’est à peine s’il sait rédiger un PV de stationnement sans fautes d’orthographe, heureusement ce sont des cases à cocher. Et la casquette rétrécit le cerveau, c’est bien connu.
Alors ce journaliste ne peut pas envisager qu’un flic puisse écrire sans nègre. Pas rationnel. Ça collait pas à ses clichés, ça l'a déstabilisé.
J’aurais pu bien le prendre parce qu’il avait trouvé le livre très bien écrit. Mais écriture suspecte vu le genre gallinacé de l’auteur…
D’autres journalistes m’ont demandé si j’avais fait des études de lettres, j’ai trouvé ça flatteur. Mais non, même pas. De la bio et de la physio avant d'entreprendre une étude au long cours et in vivo sur le comportement des poulets urbains en milieu naturel.
Mais un nègre…
Que cette question est lourde. Qu’elle sépare bien le monde en deux, le monopole du savoir et de la compétence d’un coté, et le reste de la plèbe de l’autre.
Les clichés collent au cortex, c’est à croire que ça arrange ! 
Non je n’ai pas de nègre.
A peine monsieur Bescherelle pour confirmation de circonflexes, incroyable non ?
Excusez du peu, mais je sais écrire et même lire. Pire, c’est un plaisir et un non-effort.
Voilà c’est dit, et c’est ok pour l’interview.

signé : Bénédicte Desforges, flic auteur compositeur interprète de FLiC

sans commentaires

Bénédicte Desforges

#revue de presse

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