Présomption de culpabilité dans la police
31 Octobre 2011
Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy
Monsieur le Président de la République,
Depuis des années, nous dénonçons et nous luttons contre l’ingratitude et les dispositions particulièrement injustes qui s’abattent parfois sur les fonctionnaires de la police nationale. Avec plus ou moins de bonheur et de réussite.
C’est donc avec soulagement et une immense satisfaction que lors de votre intervention télévisée du jeudi 27 octobre nous vous avons entendu nous rejoindre, et conforter nos positions en affirmant la votre avec clairvoyance et pugnacité.
Enfin ! Enfin la parole présidentielle affirmait une vérité qui nous est contestée depuis tant d’années. Pour cela, Monsieur le Président de la République, soyez assuré de notre reconnaissance et de celle de nos collègues.
À propos de la mise en examen de Monsieur Squarcini, directeur de la DCRI, Yves Calvi vous interrogeait avec toute la malice dont les journalistes savent faire preuve : « Il pourrait tout simplement être suspendu, tout en respectant la présomption d’innocence… Momentanément… » Et là, du tac au tac, vous avez eu, Monsieur le Président, l’extrême pertinence de rétorquer : « Bien sûr…Comme ça, sanctionner momentanément en respectant la présomption d’innocence, cela s’appelle la présomption de culpabilité Monsieur Calvi. »
En quelques mots, vous avez énoncé, Monsieur le Président de la République, votre attachement déterminé et légitimement intransigeant, aux principes de Droit dans notre pays.
Cette affirmation forte a malheureusement échappé à l’habituelle extrême sagacité des organisations syndicales de la police nationale. Pas à nous.
Vous n’êtes pas sans savoir, Monsieur le Président, que plusieurs dizaines de policiers, peut-être plus de cent actuellement, sont suspendus de leurs fonctions. Il s’agit pour la plupart, de gardiens de la paix passionnés et dévoués à leur métier, lequel est presque un sacerdoce, comme vous l’avez très justement souligné. Beaucoup d’entre eux font donc l’objet de mesures dites de précaution administrative ("à titre conservatoire" lit-on de manière lapidaire et souvent peu motivée dans les rapports) qui peuvent durer plusieurs mois, et qui privent leur foyer environ du tiers de leurs revenus lié à l’exercice effectif de leurs missions.
Quand une suspension administrative intervient, ces policiers conçoivent un terrible sentiment d’abandon et d’exclusion. Leur hiérarchie les rejette comme des pestiférés sacrifiés sur l’autel d’un principe de précaution démesuré et hors propos.
Victimes d’une sorte de "formolisme" (sic) administratif, cette mesure est de fait, dans l’immense majorité des cas, ressentie comme une authentique sanction, grave et bien plus traumatisante qu’une mesure disciplinaire justifiée et résultant d’une faute établie.
Alors, vous imaginerez sans peine, le cas d’un fonctionnaire mis en cause, puis suspendu, et sa profonde amertume lorsque l'enquête finit par le mettre hors de cause.
Vous avez raison, ce système de "double peine" est injuste et ne repose que sur une logique aussi sournoise qu’insupportable de présomption de culpabilité.
Certains que la parole présidentielle ne pourrait être remise en cause par l’administration, et par souci d’équité avec le cas du fonctionnaire que vous avez évoqué, nous vous demandons, Monsieur le Président de la République, de faire examiner au plus vite les dossiers de ces policiers.
Nous leur conseillons de vous faire parvenir sans délai leur arrêté de suspension administrative pour que vous puissez faire appliquer le principe de présomption d’innocence que vous avez affirmé avec tant de conviction, et auquel nous adhérons tous sans réserve.
Confiants dans la jurisprudence administrative que vous avez affirmée, Monsieur le Président, nous ne doutons pas qu’elle puisse s’appliquer à l’ensemble des policiers de France avec la même détermination que pour un directeur de la police nationale.
Nous vous en remercions en leur nom, et savons pouvoir compter sur votre soutien.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de notre respect et sincère considération.
Marc Louboutin et Bénédicte Desforges
auteurs et ex lieutenants de police
référence : vidéo Nicolas Sarkozy face à la crise (time code 67’50)
document en pdf
incluant un modèle de courrier à adresser au Président de la République