Police : le suicide en uniforme n'est pas qu'un drame privé
1 Novembre 2011
L’info va vite, demain on n’en parlera plus, après-demain on n’y pensera plus.
Dans l’info, il y a trop d’infos, rien n’a plus vraiment d’importance.
Ou plutôt si : tout a beaucoup d’importance, tout de suite, énormément, intensément, définitivement, et la seconde d’après, plus du tout.
Partout, quelque part, on tue, on se fait tuer, on se tue.
Et on se tait.
C’est la vie.
Dans la police, il y a plutôt plus de suicides que dans d’autres professions, c’est sûrement pour ça qu’on évoque immédiatement des raisons d'ordre privé quand un flic s’autolyse.
Fatale logique.
Sébastien s’est suicidé en uniforme.
Faut-il croiser les doigts qu’aucun chefaillon de la police ne franchisse un autre pas vers l’indécence, et n’invoque Halloween pour donner du sens à ce détail ?
Les policiers sous le choc ont porté du crêpe noir en signe de deuil.
C'est très sympathique, mais cela semble être la moindre des choses. On ne va pas leur décerner la médaille du courage et du dévouement pour si peu. Dommage qu'aux signes de deuil ne s’associent jamais des signes de colère.
Une petite grève du zèle a minima aurait pu être une réaction joignant l’action à la certitude qu’on n’écarte pas d’un revers de main les raisons professionnelles du suicide d’un flic.
Les deux syndicats de police sont pour une fois d’accord en formulant un non-avis. Raisons professionnelles ET personnelles. Standing ovation... Saluons le courage syndical de cette analyse incroyablement audacieuse.
Normal me direz-vous, ils ont du apprendre l’existence et la mort de Sébastien au même instant.
Sébastien demandait depuis quatre ans un rapprochement familial.
Ah. Voilà sûrement un début d’explication, l’enquête vient de faire un grand pas en avant.
Eh bien disons que si l’administration police réfute systématiquement les motifs d’ordre professionnel, elle ne se met pas les tripes à l’air pour ne pas y rajouter des raisons personnelles.
J’espère que l’enquête mettra à jour le rôle des syndicats dans une telle demande non aboutie, aussi insignifiante soit-elle dans un tableau de mutations, mais aussi vitale pour la vie d’un homme.
Le parquet de Nice semble avoir fait le tour de la question d’un drame privé,
Et la hiérarchie policière a fait part d’une grande émotion, même si chacun qui connaît sa "très haute bienveillance" sait qu’elle n’en pense pas un mot.
(lors d’un suicide de l’année, la hiérarchie s’est flattée que le suicidé ait eu la délicatesse de faire "ça" chez lui… )
Quant à l’épitaphe en forme de foutage de gueule, que l’administration a soufflée à Nice-Matin, j’en suis encore abasourdie.
Sébastien, tu t’es flingué alors que tu étais l’élu entre tous pour être chauffeur d’un préfet ? Sérieusement, tu ne sais pas apprécier le cadeaux de la vie, toi. Parce que chauffeur de préfet pendant le G20… quand même !
Sébastien, je ne crois à rien, je ne peux plus rien te souhaiter, c'est trop tard.
Je ne porterai aucun deuil, mais haut et fort, la colère de l’annonce de ta mort dans les faits divers.
Et je souhaite à ceux qui n’ont rien dit, rien vu, rien entendu, rien fait et laissé faire, de ne pas trouver la paix.