Muriel post-mortem
24 Novembre 2009
Elle s’appelait Muriel, elle était gardien de la paix.
Elle travaillait au commissariat central du IVème arrondissement de Paris.
Muriel, elle souriait tout le temps. C’est peut-être parce qu’elle avait les dents du bonheur, et qu’elle était jolie comme un cœur.
Un jour de juin 2008, la radio annonce qu’un feu s’est déclaré dans un immeuble du secteur où elle est en train de patrouiller avec ses collègues. Muriel et eux ne se posent aucune question, ils se précipitent vers l’incendie. Du courage et du sang-froid, ils en ont à revendre.
Les badauds sont déjà là, ils regardent le feu sans bouger. Avides de spectacle et de drames, comme toujours.
Les gardiens de la paix parviennent in extremis à sauver une femme des flammes, mais malheureusement le mari de cette dernière y laissera la vie. L’intervention a été difficile, douloureuse, Muriel en restera marquée. Mais qui ne le serait pas... Ce n’est pas évident de se dire que parfois la chance et le hasard prennent des jours de repos.
Mais Muriel le sait, elle a du métier, elle range ça dans sa mémoire avec le reste.
Demain sera un autre jour, dit-on.
La hiérarchie félicite Muriel et ses collègues, et décide de leur attribuer la médaille du courage et du dévouement ainsi qu’une prime de mille euros.
L’administration a des lenteurs, comme souvent, et on apprend début 2009 que les fonctionnaires de police ne seront décorés qu’au mois d’août, et que la prime leur sera versée à la fin de l’année. La vie continue, le quotidien policier aussi.
Le 14 juin 2009 dans l’après-midi, Muriel se suicide avec son arme de service au commissariat du IVème arrondissement.
Tout le monde est anéanti, personne ne comprend tout à fait son geste. Peut-être qu’elle souriait trop souvent, peut-être qu’elle aimait trop ses collègues pour les entraîner dans une spirale qui la rongeait de tristesse. Peut-être que sa joie de vivre lui filait entre les jours, en silence, comme du sable entre les doigts, personne n’a su le dire.
Elle était un flic d’exception, elle connaissait son métier sur le bout des doigts, tout le monde le savait. Muriel était un exemple pour tous, elle était intègre et franche. Et plus qu’un bon flic... c’était une amie, une frangine, pour ceux qui l’ont accompagnée au travail.
Muriel, si joliment armée de son sourire, était dévouée corps et âme à son métier.
Mais Muriel s’est donné la mort dans un vestiaire sans donner d’explication. Tout à côté de ses collègues.
Il y a quelques semaines, on a cru que la prime de Muriel serait reversée à ses parents, et tout le monde a pensé que c’était un héritage qui avait du sens. Le sens qu’elle aurait aimé donner à ce métier qu’elle avait tant aimé.
Ce mois de novembre, l’administration a rejeté la demande de prime qui devait revenir à Muriel pour l’acte de courage et de dévouement qu’elle avait accompli avant sa mort.
Parce que voilà, Muriel est morte et n’a donc plus de salaire, ni de compte en banque.
Et dans la police, on ne plaisante pas avec le règlement.
Moins qu’avec la reconnaissance en tout cas...
Muriel... au diable les primes, les bons points, les félicitations et toutes ces conneries, tu sais bien que ce ne sont que des miettes de respect.
Ce qui est important aujourd'hui, c'est que nous, on pensera toujours à toi.
Repose en paix.