Le voleur de voiture

19 Mai 2009

  L’homme était venu signaler le vol de sa voiture le matin. Il était furieux.
  « Rendez-vous compte ! fulminait-il, je sors ma voiture, je laisse la clé sur le contact le temps de refermer la porte de mon garage, et paf ! je vois ma voiture s’en aller ! et je cours derrière, mais vous pensez… première à droite, première à gauche et paf ! plus de voiture ! »
  Le flic qui avait pris sa plainte se mordait les lèvres pour ne pas lui demander s’il avait eu le temps de relever l’immatriculation, entre l’envie de faire un bon mot, et son doute qu’il y ait compatibilité entre son humour et l’état de rage du bonhomme qui menaçait à présent de commettre meurtres et actes de barbarie sur tous les habitants de son voisinage.
  Il se contenta de remplir une déclaration de vol, de lui indiquer les formalités à remplir auprès de son assurance, et surtout lui affirmer que sa voiture était désormais inscrite dans le fichier des véhicules volés, et qu’elle était dès à présent recherchée dans les environs. Et comme une patrouille était de passage, d’un air navré, il lui proposa qu’on le conduise jusqu’à la station de RER la plus proche pour qu’il puisse tout de même se rendre à son travail, ce qu’il accepta.
  En fin d’après-midi, l’homme fut convoqué au commissariat. Sa voiture avait été retrouvée. Elle était à Lyon.
  Le matin, le voleur avait rejoint l’autoroute du sud sans se faire repérer. Il avait franchi la zone de péage rapidement ; en pleine semaine et à cette heure-là, les embouteillages sont dans l’autre sens.
  Et puis, il avait roulé tranquillement et prudemment, et n’avait pas été inquiété. Il a signalé aux gendarmes qui l’ont arrêté, avoir fait une halte sur une aire de repos déserte, le temps de manger un fruit et des biscuits qu’il avait emportés dans son sac. Il a précisé avoir jeté l’emballage et un trognon de pomme dans une poubelle. Et il avait repris la route et continué à rouler en direction du sud. Quelques kilomètres avant le péage de Lyon, la voiture était tombée en panne d’essence. Les gendarmes l’avaient ainsi retrouvée stationnée sur la bande d’arrêt d’urgence. Le voleur n’était pas loin, se pensant à l'abri et invisible, caché dans un fossé en contrebas de l’autoroute, et attendant la nuit pour poursuivre sa cavale, avait-il avoué.
  « Mais alors, ma voiture n’a rien ? Pas d’accident ? avait souri l’homme.
  - Elle n’a rien. Elle n’a simplement plus une goutte d’essence.
  - Et le voleur ? Qu’a-t-il fait ? Il allait où ?
  - On va bientôt le savoir. Ses parents sont allés le chercher à Lyon où les collègues le gardent bien au chaud. Ils n’étaient pas contents. Pas contents du tout.
  - Ses parents ??
  - Oui. Il a déclaré aux gendarmes qu’aujourd’hui il y avait un conseil de classe, et qu’il préférait être ailleurs. Votre voleur a tout juste douze ans. »

extrait de Police Mon Amour

Bénédicte Desforges

#chroniques d'un flic ordinaire

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