L'indignation du syndicat majoritaire des poulets
31 Juillet 2012
Alors comme ça, on s’agace, on vitupère, on fait sa poulette scandalisée. On se bouleverse, on en appelle à la censure, et on injonctionne le préfet sur papier à entête. Et on alerte la presse.
SGP-Unité-Police-FO-le-dernier-ferme-la-porte vient de montrer son vrai visage, celui, empourpré et rageux, du coq de combat qu’il promettait d’être.
C’est bien remarque, on croyait que ce syndicat était moribond, ou pire, se complaisait dans la complaisance, et en fait non pas du tout, on peut même dire qu’on a affaire à un syndicalisme extrêmement réactif.
Voilà deux fois en deux ans que les poulets de Loué font leur pub avec des images désuètes de poulets en bleu, et voilà deux fois que ce syndicat s’en émeut et s’insurge furieusement à grand renfort médiatique, comme… comme si… je ne sais pas, moi… comme si par exemple, le service public se cassait la gueule dans la spirale d’une RGPP impitoyable, avec la même détermination que si l’insécurité et la violence étaient très préoccupantes et que les moyens manquaient pour les combattre, avec la même hargne que si l’administration avait décidé de supprimer des effectifs, qu’il fallait se démerder avec du matériel pourri et des véhicules à l’agonie, ou que les flics étaient accusés de procéder à des contrôles d’identité au faciès à tout bout de champ (quoique non, là, le syndicat a très gentiment participé à l’élaboration d’un projet mort-né) ou encore, que les fonctionnaires de police subissaient un régime d’exception face à la présomption d’innocence, que les relations avec la justice étaient calamiteuses, que le taux de suicides était particulièrement inquiétant, etc, etc, comme si ce poulet fermier entraînait toute la maison Poulaga à la catastrophe, en fait.
Mais heureusement, dans le monde du syndicalisme policier, tout va plutôt bien, on ne se disperse pas, on ne verse pas dans la communication futile, on a le sens des priorités, et le temps de s’essayer au décryptage d’affiches publicitaires entre le fromage et le dessert. Quitte à récidiver, et à faire une tragédie d’un seul poulet béat de bonheur sur son tracteur, un combat syndical d’envergure, et une lutte sans merci pour restaurer l’image de la police nationale.
Quelle démonstration de force ! Quel super pouvoir syndical que voilà !
Tout ce buzz médiatique sous le regard effaré de la majorité des vrais poulets !... des vrais flics voulais-je dire, pas vraiment en phase avec les indignations de salon du syndicat majoritaire, et qui ne trouvent cette image ni malveillante, ni outrageante, même plutôt amusante. Des vrais poulets de terrain qui aimeraient trop souvent voir leurs syndicats s’agiter avec autant d’énergie pour des choses plus graves. Des vrais poulets qui savent aussi discerner les revendications utiles des protestations indigentes, et à l’occasion prendre la liberté de rire d’eux-mêmes… voire se déguiser en poulet pour réclamer moins de salades et plus de blé…
Le slogan de la pub est d’ailleurs plaisant : un bon poulet est un poulet libre. Voilà du pur slogan de compétition, une formule qu’on aimerait presque reprendre à son compte, un beau slogan pondu par un poulet de Loué alors qu’on aurait tant apprécié qu’il le fut par un syndicaliste éclairé. Mais non, faut pas rêver, pas de ça chez nous. Par ici on se fait encadrer l’humour et la dérision par des petits-pères-la-morale psychorigides, et on ne s’occupe plus guère de la liberté d’exercer le métier de flic correctement.
Bien davantage que la campagne de pub des poulets de Loué, la médiatisation du spasme agroalimentaire du SGP-Unité-Police-FO (le dernier ferme la porte, merci) syndicat majoritaire des gardiens de la paix, aura eu pour effet de ridiculiser toute une profession.