L'escorte du roi

7 Novembre 2017

l'escorte du roi


  La mission était simple et banale. Il fallait escorter un chef d’état jusqu’à l’aéroport de Roissy. Les deux motards sont donc partis vers un palace parisien récupérer l’homme de pouvoir et sa suite. Le premier allait ouvrir la route avec les yeux bleus de la moto en mode clignotant, et de grands coups de sifflet aux carrefours, et le second fermerait la marche.
  L’homme souverain est monté dans la voiture aux vitres fumées. Un larbin a fermé la portière avec déférence, suffisamment obséquieux pour qu’une main rompue aux valses des révérences lui glisse une enveloppe dans la poche.
  Le cortège démarra ainsi, vers le périphérique, un motard devant et l’autre derrière, encadrant de près la noire et diplomatique limousine. À bonne vitesse, il y en aurait à peine pour un petit quart d’heure.
  Sur l’autoroute du nord, une main, par dessus la vitre baissée de la voiture, a jeté un cigare consumé, qui rebondit sur le carénage de la moto comme un gros bourdon. Et puis cette même main se mit à jeter des bouts de papier sur la route et dans l’air, qui partaient tourbillonnant, emportés par la vitesse. Le motard se fit la réflexion que cet homme, ce roi, si somptueusement habillé, qui avait le pouvoir de vie et de mort sur ses sujets, manquait bien d’éducation et de savoir-vivre. La main disparaissait dans la voiture puis réapparaissait, pour encore semer ces papiers vers les bas-côtés de l’autoroute. L’un d'eux prit une trajectoire linéaire et vint se coller sur la veste du motard. C’était un billet de banque. Le motard baissa les yeux et vit le chiffre 100 avant que le billet ne reparte dans le vent. D’autres billets verts ont continué à passer en vrillant et bruissant au dessus de son casque et sous les roues de la moto.
  L’aéroport était en vue. La place Vendôme, la rue du Faubourg Saint-Honoré et les pourboires n’avaient pas eu raison de l’argent de poche du monarque. Passé la douane et la frontière, il n’en aurait plus besoin.

texte extrait de Police Mon Amour

Bénédicte Desforges

#chroniques d'un flic ordinaire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
laisser un commentaire