Reynald Caron - le verdict
18 Janvier 2009
La justice a parlé.
La justice a tranché dans le vif. Et dans le mort.
La justice, reine des institutions, avec sa belle gueule d’innocente, et sa petite balance dans sa main blanche…
La balance du pour et du contre, du bien et du mal, des vies qui comptent et de celles qui ne valent pas grand-chose.
Six mois ferme pour la mort d’un flic.
« violences volontaires sur agent de la force publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner. »
Le jour des faits, l’administration police avait déjà conclu - avant le début du commencement de l’enquête, avant que soit entendu le premier témoin - à un accident.
Les violences étaient délibérées, intentionnelles, mais il fallait déjà minimiser.
Pour la sanction minimaliste, la justice a suivi.
Et pourtant,
Des violences volontaires sur agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions...
De vagues souvenirs de droit pénal m’indiquent que ce détail constitue une circonstance aggravante. Mais ça, c’est la théorie du droit. Et le droit n’est juste que dans les livres.
ayant entraîné la mort sans intention de la donner...
Sauf que là, face à cette nacelle de manège pour débiles, Reynald Caron n’avait aucune chance. On vous épargnera les détails de son état quand on l’a ramassé.
Mort sur le coup.
La peine encourue pouvait aller jusqu’à vingt ans.
Six mois ferme.
Triste camouflet.
Ou déni de justice.
Les six mois était déjà accomplis en préventive, le jeune Kevin est sorti libre.
Pardon, je ne m’attarderai pas sur la personnalité de Kevin, je m’en contrefous. Rien ne peut m’émouvoir dans l’idée de sa conscience chargée à mort jusqu’à la fin de ses jours.
À la surenchère des victimes, il n’est sûrement pas le dernier.
Mais ô scandale, aujourd'hui, je suis partiale et corporatiste : il n’y a qu’une victime dans cette affaire, et c’est Reynald Caron.
La justice n’est pas une vengeance, me souffle-t-on. Je le sais. Et je ne l’entends pas comme telle.
Je tente simplement d’interpréter ce verdict honteux, et de lui trouver un sens.
Quelle est la nature de cette quasi immunité pénale ?
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Une famille prend acte que la vie d’un homme, d’un fils, d’un époux, d’un père, vaut six mois de mise à l’ombre pour le meurtrier, pas un de plus. Et qu’on peut ressortir libre d’un tribunal après un homicide.
C’est symboliquement honteux.
L’autre famille - la police - se pose bien des questions sur le sens de son métier, de ses risques, et de la reconnaissance qu’on lui accorde rarement.
La mort de Reynald Caron vient tristement de donner un prix à nos vies.
Que dalle.
La mort de Reynald Caron a été moins punie qu’un petit braquage sans butin et sans blessés.
Ça vous parle, ça ?
Comment ne pas se poser de questions sur les conséquences de ce verdict quand on est flic ?
Comment, sans aucune velléité de justicier, peut-on ne pas être scandalisé par ces six mois ferme, et se dire que ce verdict constitue une porte-ouverte à une violence facile et admise, vers laquelle on ne veut pas regarder, et nous transforme en cibles low-cost à la seule vue de notre uniforme ?
Comment ne pas dire haut et fort que les policiers sont partagés entre la tristesse et la colère ?
Et comment ne pas être effleuré par l’idée que tout ça fait terriblement penser à un permis de tuer ?