Ton écriture
17 Avril 2008
Ton écriture ressemble à une femme endimanchée et trop maquillée. Elle se croit belle, virgule après virgule, et entre points qui s’exclament ou s’interrogent en battant des cils, elle se persuade de sa séduction.
Elle se tortille et s’étale à coups de mots précieux et étudiés. Elle se couvre de bijoux d’une rhétorique de toc, ignorant la distinction du mot solitaire. Elle se croit riche et pourvue, mais à la lumière du sens, elle n’est que verbeuse et fardée de synonymes.
Elle voudrait sans doute avoir la grâce d’une madone, mais elle ne raconte que la coquetterie d’une syntaxe pucelle, aguicheuse et bavarde.
Ton écriture pense que l’habit fait la phrase, mais elle ignore encore que nue, une gueuse peut être belle.
À l’heure de la plume pubère qui jouit de l’étreinte des textes autres, et du hasard des proses, ton écriture déjà esclave d’un sujet roi, du sujet toi, n’a pas voulu se laisser baiser par Lagarde et Michard, elle a fait le choix de la conjugaison atrophiée et de la stérilité. Elle aurait pu être grosse, métissée de mots millénaires, mais branlant son ambition contre l’enceinte d’une inspiration à la première personne, elle s’est trouvée obèse de lettres asservies à ta majuscule.
Si ton écriture était un métier, à l’enchère du vocabulaire, elle serait commerçante et vendrait de l’assurance d’émotions primaires et d’images grossières. Elle cèderait au chaland l’objet direct de bons sentiments faciles, pétris à la crasse de ton nombril.
Ton écriture, c’est ta danseuse, ta prétention qui ne servira pas tes prétentions. C’est ton miroir muet des mots menteurs. L’écrit exhibé quand à l’oral on implorerait le bâillon. La forme délétère qui jamais ne touche le fond.
Ton écriture, c’est de la merde bien emballée.